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Que valent les écoles privées spécialisées dans la transition environnementale ?

La Green Management School, Sup'écolidaire, l'ESI Business School… Ces dernières années, les établissements privés spécialisés dans les métiers de la transition environnementale et sociale se sont multipliés. Et ce n'est que le début. Que valent-ils ?

Les locaux de Sup'écolidaire, à Limonest, dans la métropole de Lyon.
Les locaux de Sup'écolidaire, à Limonest, dans la métropole de Lyon. (Sup'écolidaire)

Par Chloé Marriault

Publié le 22 oct. 2021 à 06:03Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

« Dans le secteur de la transition écologique, les entreprises ont souvent du mal à recruter faute de professionnels qualifiés », observe Benjamin Roux, responsable de recrutement au sein d'Elatos, cabinet de recrutement spécialisé dans l'environnement, l'énergie et l'informatique. « Le marché est très dynamique et les besoins croissants », poursuit-il.

Et ça, le marché de la formation l'a bien compris. Depuis 2017, de nouveaux établissements du supérieur, privés et spécialisés, fleurissent. Leur but : proposer des cursus entièrement tournés vers la transition environnementale et sociale. Parmi ces nouveaux acteurs, l'ESI Business School. Fondée en 2017, elle se définit comme « l'école de commerce du développement durable, de l'impact social et du digital qui forme les managers responsables et engagés de demain ».

Cette même année, une autre école a vu le jour : Sup'écolidaire. Elle forme des « professionnels engagés dans la transition écologique, solidaire et citoyenne de notre société ». Nouvelle venue dans le secteur, la Green Management School, cofondée par Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris, et dont la première promotion a fait sa rentrée en septembre 2020. Et la liste n'est pas exhaustive.

A ces établissements récents s'ajoutent des écoles plus anciennes. Exemples : l'Institut supérieur de l'environnement (ISE), créé en 1993, ou l'Institut des métiers de l'environnement et de la transition écologique (IET), né en 1994.

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Des débouchés multiples

Ces établissements délivrent des diplômes de niveau bac +2, bac +3 et bac +5. Leurs étudiants se destinent à divers métiers : chargé de mission, chef de projet, consultant, responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement), responsable RSE… A l'issue de leur cursus, certains travaillent pour des collectivités, d'autres pour des institutions, des associations, des ONG, des ETI, des PME, des grands groupes (Veolia, Suez, Engie…) ou en tant qu'indépendants. Et ce, dans des structures généralistes ou spécialisées dans l'environnement.

Leurs campus sont désormais implantés un peu partout en France : en région parisienne et lyonnaise, à Bordeaux, à Nantes… et ce n'est que le début. Ces écoles prévoient d'ouvrir de nouveaux cursus et, pour certaines, de nouveaux sites dès 2022. Il faut dire que les chiffres du secteur sont porteurs. D'après l'Ademe, la transition écologique devrait générer la création de 540.000 emplois en équivalent temps plein d'ici à 2030. Un chiffre qui pourrait atteindre 1 million d'emplois à l'horizon 2050.

Au moins 5.200 euros l'année

L'essor de ces établissements montre que « les acteurs 'traditionnels' - écoles de commerce, d'ingénieurs, universités - ont peut-être tardé à mettre en place des cursus complets ou ne sont peut-être pas toujours perçus comme crédibles - pour des raisons de valeurs, de vision du business, etc. -, voire compétents sur le sujet », selon Elisabeth Laville, fondatrice d'Utopies, un cabinet de conseil en développement durable, également à l'initiative de la création de Campus Responsables, un réseau de 25 universités et grandes écoles engagées dans une démarche de transition.

L'éclosion de ces écoles est aussi le signe « que les étudiants ont envie d'intégrer les compétences de la transition écologique à leur futur métier de manière cohérente et intégrée, plutôt que de suivre une formation optionnelle proposée en marge d'enseignements 'business as usual' et parfois en contradiction avec ceux-ci… », analyse-t-elle.

Dans ces établissements privés, pour les cursus de niveau bac +3 à bac + 5, comptez entre 5.200 et 10.500 euros de frais de scolarité l'année. Des frais dont sont exemptés les étudiants qui se forment en alternance. Cet investissement est-il rentabilisé ? Ces écoles assurent que l'insertion de leurs diplômés est excellente. L'ESI Business School indique par exemple que 90 % des étudiants sont en emploi deux mois après l'obtention de leur diplôme. L'ISE avance, elle, que « 100 % des diplômés trouvent un emploi dans les six mois ». Et de préciser que ses diplômés d'un niveau bac +5 entrent sur le marché du travail avec un salaire annuel moyen brut de 32.000 euros.

Des recruteurs « curieux »

Imagreen, société de conseil en transition sociale et environnementale et expert RH des métiers de l'environnement, a déjà placé des profils issus de l'ISE et de l'IET, les deux écoles ouvertes dans les années 1990. « Les diplômés qui en sont issus peuvent tout à fait être compétitifs face à des diplômés d'écoles d'ingénieurs classiques, notamment sur la thématique de l'eau et des déchets, avec des métiers tels que responsable de centre de tri, d'une station d'épuration ou d'une station de pompage », estime Justin Longuenesse, dirigeant d'Imagreen. Quid des établissements les plus récents ? Parmi les recruteurs contactés, nombre disent que les noms de ces établissements ne leur disent rien.

Nicolas, 27 ans, a lui fait sa rentrée en alternance à l'ESI Business School en 2018, un an après sa création. « Lorsque j'ai passé des entretiens en vue d'une alternance, les recruteurs étaient curieux, se demandaient ce que c'était que cette école dont ils n'avaient pas entendu parler et n'hésitaient pas à aller regarder le contenu du programme. Mais je n'ai pas peiné à trouver de contrat », assure-t-il.

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Il a effectué son alternance d'un an dans un bureau d'ingénierie spécialisée dans l'environnement, en tant qu' ingénieur d'études. Désormais, il est chargé de mission dans une intercommunalité. « Quand j'ai changé d'emploi, les recruteurs ne se sont pas attardés sur la question de l'école, mais plutôt sur mes compétences et expériences », ajoute-t-il.

Pour recruter, certaines entreprises doivent élargir leur sourcing. C'est le cas de Bureau Veritas, groupe spécialisé dans les tests, les inspections et la certification. Parmi ses jeunes recrues dans le secteur de la transition environnementale : des consultants HSE, des chefs de projet en efficacité énergétique, des inspecteurs rejets atmosphériques… Jusqu'à récemment, l'entreprise embauchait plutôt sur ces postes des profils issus d'écoles d'ingénieurs ou de cursus universitaires spécialisés. Elle comptait aussi dans ses rangs des profils issus de l'ISE.

« On a besoin de recruter ailleurs pour répondre à nos besoins. On est prêts à se tourner vers des diplômés issus d'établissements très récents qui n'ont pas encore de notoriété », explique Frédéric Bouckenhove, vice-président des ressources humaines en France. L'entreprise cherche aussi à recruter un ou une « campus manager ». Parmi ses missions : « Sourcer les écoles que l'on ne connaît pas et référencer de nouvelles filières qui forment des jeunes sur ce type de métiers notamment », pour les recruter plus facilement ensuite.

« Des cursus pas forcément connus des recruteurs »

Pour Samah Lea Hasker, manager au sein du cabinet de recrutement généraliste Michael Page, les diplômés des écoles nouvellement créées peuvent mettre en avant leurs valeurs et convictions. « Pour avoir des collaborateurs investis, les employeurs savent que ceux-ci doivent être épanouis et trouver du sens dans leur mission. Si ces profils ont suivi ces formations très spécialisées, on imagine que c'est parce qu'ils ont un réel intérêt pour l'environnement. C'est un argument qui peut peser dans la balance. D'autant qu'ils ont pris un risque, en un sens, en choisissant des cursus spécialisés mais pas forcément connus des recruteurs », avance-t-elle.

Les employeurs sont encore très attachés au diplôme quand il s'agit de recruter des jeunes diplômés sans expérience professionnelle, met toutefois en garde Caroline Renoux, fondatrice de Birdeo, cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers à impact positif. « Certains préfèrent prendre un profil d'une grande école parce qu'elle est réputée, parce qu'ils ont déjà des salariés de cet établissement dans leurs effectifs ou parce qu'ils sont eux-mêmes issus de cet établissement, note-t-elle. Cela les rassure davantage qu'un établissement très récent sur lequel ils ont peu de recul. »

À noter

Ici, retrouvez l'ensemble du DOSSIER consacré au classement 2021 des grandes écoles les plus engagées dans la transition écologique

Chloé Marriault

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